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Un dessin représentant plusieurs mains entrelacées, réalisé avec un stylo à bille

 

 

Entremêler

Il est des étreintes dont l’ardeur et l’intensité se conjuguent à la douceur et à la pureté. Klimt, Rodin, Brancusi…  Leurs célèbres entrelacs et baisers l’ont éloquemment illustré. Avec sa série « Entremêler », Robin Wen fait montre de la pérennité comme de la richesse suggestive et visuelle de ce thème. Cristallisés au gré des frottements patients d’une bille de bic quatre couleurs sur le papier, les corps se fondent, se confondent, et les visages s’engloutissent avec une tension et une fluidité singulières à l’artiste. Devenues anonymes, ces figures nouées s’affichent tels nos propres reflets voire la projection de nos imaginaires. Les « entremêlés » de Robin Wen dépassent alors leur contingence initiale – le contexte des Free parties qui alimente l’univers de l’artiste - pour leur conférer le statut emblématique d’un « Nous » individuel et collectif. Universels, atemporels, ils nous semblent en effet assumer une possible fonction allégorique en activant l’évocation des dispositions contradictoires, et complémentaires, inhérentes à l’humanité : force et fragilité, trivialité et noblesse, beauté et disgrâce, séduction et répulsion, amour et aversion…

Texte écrit par Claire Le Blanc

Conservatrice et directrice du Musée d’Ixelles

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Lumière

Les « Lumières » de Robin Wen explorent différents champs de la représentation, selon que l’artiste a recours à des photographies, ou qu’il laisse libre cours à son imagination. A la première catégorie ressortissent les « Lumières » 1, 2, 3 et 6. Les trois premières sont réalisées au départ d’images de feux d’artifice : une explosion, une gerbe lumineuse retombant vers la Terre, ou l’ascension d’un jaillissement d’étoiles. La suivante nous montre des spots dont les faisceaux trouent une obscurité que l’on devine enfumée, évocation de la scène musicale qu’affectionne l’artiste, et qui lui sert d’inspiration dans d’autres œuvres. Robin Wen quitte ensuite le domaine du réel pour produire des formes inventées, conçues au départ de motifs existants qu’il manipule jusqu’à les rendre impossibles à identifier, débouchant sur une quasi abstraction, tel ce serpentin lumineux ou ces successions géométriques semblables à des brins d’ADN. Pour représenter ces lumières artificielles, Robin Wen a, lui aussi, recours à un artifice : les formes ne sont pas ajoutées au fond bleu mais bien soustraites à celui-ci. C’est bien la couleur du papier qui produit les tonalités blanches entourées, parfois légèrement envahies, par un ciel de bleu d’encre réalisé au stylo à bille. Il y a quelque chose de monacal dans ce travail qui requiert de s’abstraire de tout ce qui entoure le geste créateur. Un temps impossible à quantifier, contrairement à celui du déplacement de la lumière dans l’espace qui est, lui, une constante fixe.

Texte écrit par Pierre Yves Desaive

Critique d’art et conservateur pour l’art contemporain aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

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Blue Rave

Vivons heureux, vivons cachés

 

Naviguant entre la démystification de sous-cultures et l’embellissement poétique d’une réalité transgressive, Robin Wen explore continuellement l’univers des free parties. Soit ces orgies de musique techno qui apparaissent, aux yeux des non-initiés, tel un microcosme parallèle régi par ses propres codes. Un milieu sous des dehors désenchantés que Robin Wen comprend intimement. Armé de ses stylos à bille et pinceaux, l’artiste se fait le chantre d’une jeunesse désabusée. Prenant le contre-pied formel de cet environnement à l’esthétique brutale, Robin Wen livre des œuvres, hyperréalistes et poétiques, d’une finesse inégalée permettant de déconstruire les préjugés.

 

Par la capture subtile des dos de ses modèles, Robin Wen dresse le portrait d’une jeunesse fragile qui cherche à échapper aux normes imposées par la société. Le dos, c’est l’anonymat. Celui recherché par les teufeurs participant à ces rassemblements clandestins. Tous dansent de dos, face au mur de sons crachant ses décibels. Tourner le dos agit aussi, symboliquement, comme un acte de résistance. Une manière de s’extraire du système dominant, directif et intrusif, pour construire un monde dans lequel ces idéalistes élaborent leurs propres règles. Cette marginalité d’une génération en quête de liberté est sublimée par une maîtrise technique presque insolente. Plus encore, la poésie est accentuée par l’exploration récurrente d’un motif : discrètement provocatrice, la nuque se découvre. Territoire délicat, elle incarne une zone de désir au potentiel fantasmatique, une arme de séduction suprême qui nous invite à la suivre… 

 

Intitulée Blue Rave, cette série amorce un transfuge de classe, participant activement à la réhabilitation de cette contre-culture que sont les free parties, en appelant la peinture à l’huile ou un outil d’une banalité affolante : ce bic bleu qui gagne, entre les mains de Robin Wen, une noblesse bouleversante. 

Texte écrit par Gwennaëlle Gribaumont

Critique d’art et journaliste

_Blue Rave_ - 18 x 24 cm  -Stylo à bille sur papier _ 2024 _ Robin WEN - 0324-16.jpg
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